Les débuts du cinéma d'animation tchécoslovaque : 1925-1945 - Page 5 sur 6 - L'Arène d'Airain

–The Sorcerer’s Apprentice (Čarodějův učeň), 1943, conte/fantastique, dessin animé, noir et blanc, sonore, réalisé par Richard Dillenz avec la collaboration de Eduard Hofman et Stanislav Látal, produit par le studio AFIT et Richard Dillenz Production, 11 minutes ♥

Initialement, le studio AFIT a été créé en 1935 pour réaliser des trucages et autres effets spéciaux à destination du cinéma live. C’est en fait sous l’égide allemande que ce studio va connaître un second souffle. En effet, les Allemands en prennent possession en 1940 et Richard Dillenz en devient le nouveau directeur. C’est à cette époque que de futurs grands noms arrivent au studio comme Eduard Hofman, Stanislav Látal ou un peu plus tard Břetislav Pojar. Pour l’heure, le film dont il est question ici, The Sorcerer’s Apprentice, est l’adaptation du célèbre poème de Goethe que Walt Disney avait déjà adapté dans Fantasia avec Mickey en apprenti sorcier. L’histoire est la même, mais dans un univers évidemment plus réaliste que la version Disney. Le cadre est le Prague médiéval fort bien rendu. L’assistant d’un sorcier décide, une fois ce dernier parti, de s’exercer en cachette en ordonnant à un balai d’aller puiser de l’eau. Ne sachant comment arrêter le sort, la situation tourne à la catastrophe. Une bonne partie du film est chantée. L’animation est très bonne et le graphisme délicat. Toutefois, le film ne donna pas satisfaction, du coup, le studio AFIT fut incorporé à la société allemande Prag-Film créée en 1941, avant de devenir en 1945 le célèbre studio « Les Frères en Tricot ».

–Love and Money (Láska a peníze), 1943, publicité, dessin animé, noir et blanc, muet, réalisé par Antonín Havlík, produit par Reklamiafilm, 3 minutes

Publicité pour l’épargne bancaire. Le montage fait clairement comprendre que pour un ménage heureux, il faut de l’argent.

–Ferda la Fourmi (Ferda mravenec), 1944, comédie/conte, stop motion/marionnettes, noir et blanc, sonore, réalisé par Hermína Týrlová et Ladislav Zastera, produit par Degeto Berlín, ČMÚ (dokončení), Bapoz, 9 minutes ♥

Probablement l’un des premiers classiques du cinéma d’animation tchécoslovaque ! Réalisé par la pionnière Hermína Týrlová, Ferda la Fourmi dégage, pendant 9 minutes, un miracle de charme. L’histoire suit les aventures de Ferda aux prises avec une méchante araignée, antagoniste classique des films d’animation avec des insectes comme on a pu le voir chez Ladislas Starewitch. Ce film est représentatif de l’univers de Týrlová, tourné vers les enfants. La réalisatrice fait preuve d’imagination et l’on ressort ravi du métrage. L’animation est remarquable 80 ans après. Le soin apporté aux décors est tout aussi recherché. De plus, on passe la barrière de la langue sans problème puisqu’il n’y a pas de dialogues. Enfin, soulignons l’ironie de la fin qui voit l’araignée finir aux travaux forcés !

–The Mischiecous Bunny (Neposlušný zajíček), 1944, comédie, dessin animé, couleur, sonore, réalisé par Horst von Möllendorff avec la collaboration de Jiří Brdečka, Eduard Hofman, Stanislav Látal, produit par Prag-Film, 8 minutes ♥

Très sympathique film qui nous plonge dans le quotidien d’un groupe de lapins occupés à décorer des œufs de Pâques pendant l’hiver. L’intrigue met en avant la confrontation comique entre un lapineau espiègle et le vieux chef lapin. Le premier invente des astuces pour rendre le travail plus facile au grand dam de l’ancien, qui souhaite, quant à lui, s’en tenir à la tradition. Horst von Möllendorff a pris la tête du défunt studio AFIT qui a été rattaché à la Prag-Film après l’échec de The Sorcerer’s Apprentice, ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve une nouvelle fois des noms importants par la suite comme Eduard Horman ou Jiří Brdečka. L’animation est remarquable.

–Cinderella (Popelka), 1944, publicité/conte, dessin animé/stop motion, noir et blanc, sonore, Otakar Brenten, produit par Brenten-Film-Studio, Unionfilm Praha, Josef Koza, 5 minutes ♥

Voici un film original qui commence dans l’univers des contes et finit à l’époque moderne. L’héroïne du film est tyrannisée par sa belle-mère de reine qui l’oblige à faire le ménage dans le château. Elle invoque un courant d’air magique pour perturber son travail. Mais la gentille marraine invoque à son tour un preux chevalier pour la défendre. Cendrillon s’endort pour se réveiller dans un appartement cosy du XX^esiècle, bien à l’abri des courants d’air. On apprend en réalité qu’il s’agissait d’une publicité pour des isolations de fenêtres. À noter que la Cendrillon du film tient plus de Blanche-Neige. D’ailleurs, Cendrillon/Blanche-Neige et la méchante reine sorcière ressemblent beaucoup à leurs homologues du film d’animation Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney. La mise en scène est particulière puisqu’elle utilise des décors en volume (très visibles dans les mouvements de caméra) et de l’animation de type dessin animé.

–Wedding in the Coral Sea (Svatba v korálovém moři), 1944, comédie, dessin animé, couleur, sonore, réalisé par Horst von Möllendorff avec la collaboration de Jiří Brdečka, Eduard Hofman, Stanislav Látal, produit par Prag-Film, 10 minutes ♥

On retrouve une partie de l’équipe qui avait travaillé sur The Mischiecous Bunny. On a donc encore une fois la chance de voir un très joli petit film d’animation. L’histoire, mignonne, met en scène une histoire d’amour entre deux poissons, contrariée par une méchante pieuvre. Le film se veut une comédie innocente très soignée. Il y a de l’humour, de la romance et de l’inventivité. L’effet d’eau est très bien rendu.

–A Meteorological House (Povětrnostní domeček), 1945, comédie/romance, dessin animé, couleur, sonore, réalisé par Horst von Möllendorff avec la collaboration de Jiří Brdečka, Eduard Hofman, Stanislav Látal, produit par Prag-Film, 8 minutes ♥

Ce film, dans la lignée des autres films d’animation produits par Prag-Film, raconte une touchante histoire romantique, et en a certainement inspiré d’autres. Un garçon de la pluie et une fille du soleil se partagent une sorte de maison de poupée. Tels des automates d’horloge qui sortent à chaque nouvelle heure, chacun d’eux sort selon la météo qui lui est propre. Le problème, c’est qu’ils ne peuvent jamais être ensemble, car l’un est alternativement dehors quand l’autre est à l’intérieur et vice-versa. Une belle histoire d’amour inconciliable teintée de poésie et d’un humour léger. Bien sûr, nous sommes dans une histoire enfantine, alors ils trouveront un moyen pour enfin se voir. Une pensée pour Makoto Shinkai.

–Rêve de Noël (Vánoční sen), 1945, conte de Noël, PVR/stop motion/ marionnettes, noir et blanc, sonore, réalisé par Karel Zeman avec la collaboration de Bořivoj Zeman et Hermína Týrlová, produit par Degeto Berlín, ČMÚ Zlín, 10 minutes ♥

Quoi de mieux pour clôturer les films de ce dossier que le premier film du célèbre Karel Zeman ? Ce dernier deviendra quelques temps plus tard un immense nom du cinéma tchécoslovaque. Toutefois, ce film fut initialement réalisé par Hermína Týrlová. Malheureusement, le négatif du film brûla dans un incendie des laboratoires des studios de Zlín en 1944. On demanda alors à Karel Zeman, avec l’aide du réalisateur Bořivoj Zeman, de refaire le film qui semble très proche de l’original d’Hermína Týrlová. Bořivoj Zeman sera surtout connu par la suite pour ses beaux films de contes comme La Princesse orgueilleuse (Pyšná princezna) en 1952, qui a été un immense succès dans son pays.

Rêve de Noël narre le rêve d’une fillette, qui, toute à la joie d’avoir de nouveaux cadeaux de Noël délaisse son ancienne poupée de chiffons. Alors qu’elle rêve, la poupée et d’autres jouets se mettent à s’animer. L’animation est jolie et le film révèle parfois de très bonnes idées, comme par exemple ce moment où les vagues d’un tableau s’animent sous l’effet d’un ventilateur. Un petit film plein de charme pour finir ce dossier qui laisse augurer les nombreuses merveilles des décennies suivantes.