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Le cinéma d’animation soviétique des débuts de l’URSS à la fin de la Seconde Guerre Mondiale : seconde partie (1931-1935)

-Across street (УЛИЦА ПОПЕРЕК), 1931, réalisé par Lev Atamanov, animé par I. Beliakov, Ivan Ivanov-Vano, Petr Nossov, Leonid Amalrik, koultourfilm/cartoon, dessin animé, Mejrabpom

Ce film de 11 minutes est éducatif. Il montre ce qu’il ne faut pas faire pour survivre aux dangers de la circulation. Avec humour et sérieux, il explique les conséquences catastrophiques qui peuvent arriver si vous traversez la rue n’importe comment : blessures, perte de travail, mort… Il faut donc faire attention à bien faire la queue à l’arrêt de bus, regarder avant de franchir la rue, respecter les règles de sécurité, faire du sport, bien tenir son chien en laisse… C’est le premier film d’animation sonore soviétique et également le premier film réalisé par Lev Atamanov connu pour La Fleur écarlate (1952) et L’ Antilope d’or (1954) ou La Reine des neiges (1957).


-Master of the daily life (ВЛАСТЕЛИН БЫТА), 1932, réalisé par Alexandre Ptouchko, animé par Sarra Mokil, Nikolai Renkov, O. Plutsinskaya, Yu. Lupandin, satire, marionnettes, MOSCOW FACTORY SOUZKINO

Ce film comique oppose la vie d’avant à la nouvelle vie moderne en URSS. Un homme déménage du taudis où il vivait pour un immeuble moderne flambant neuf. Mais, avec ses meubles, il emmène des punaises de lit qui ont tôt fait de déranger les voisins. Comme il a enfreint les règles de la vie collective, il est jeté à la rue. Heureusement pour lui, il se réveille dans sa baignoire. Il prend conscience de son bonheur, c’est quand même mieux d’être ici. C’est bien animé, les expressions des personnages sont riches et drôles, même les punaises de lit sont convaincantes. Les trucages sont inventifs et les mouvements de caméra ont progressé.


-Black and White (БЛЭК ЭНД УАЙТ), 1932, réalisé par Ivan Ivanov et Leonid Amalrik, animé par A. Bergengrin, K. Malyshev, Ye. Felzer, Erikh Vilgelm Shteiger, agit-prop, dessin animé, Mejrabpom

Lorsque Maïakovski se rendit à Cuba en 1922, il constata la condition des Noirs et le fait que les sociétés américaines contrôlaient les industries du sucre et du tabac. Il immortalisa ses impressions dans un poème qui a servi de base pour ce dessin animé. Le film est extrêmement virulent sur la vie des Noirs à Cuba et par extrapolation aux États-Unis. Le destin d’une personne noire est simple : c’est l’esclavage, l’emprisonnement ou la chaise électrique. Évidemment, le film se termine sur un message : l’URSS peut aider toutes les personnes noires maltraitées. Lorsqu’il s’agissait de dénoncer le racisme, il était surtout question des États-Unis. Il y aura par la suite d’autres films d’animation qui traiteront de ce sujet. Déjà, par le passé, on a pu voir le traitement du racisme envers les Asiatiques dans Chine en flammes. Il est possible également de retrouver cette thématique dans les films live. Par exemple, dans le film Miss Mend (1926). Les Américains n’y sont jamais explicitement nommés, mais il y a fort à parier que lorsque deux policiers disent en présence d’un cadavre de Noir dans la rue : « c’est pas très grave, c’est un Noir », qu’il s’agisse d’eux. Pour finir, Black and White est également marquant pour son sens du montage incisif et efficace.


L’orgue positif (ОРГАНЧИК), 1933, réalisé par Nikolai Khodataev, animé par G. Yecheistov, Daniil Cherkes, Nikolai Khodataev, agit-prop, dessin animé, SOUZFILM

Ce film très satirique se double d’une absurdité qui n’a rien à envier à l’œuvre de Jonathan Swift. L’histoire se déroule au temps du tsar. Ce dernier apprend une tragique nouvelle. Vipère, le chef de la police de la « ville des demeurés » lui fait savoir que le gouverneur est mort. Le tsar doit lui chercher un remplaçant. Le critère ? Celui de sa cour qui criera le plus fort. C’est ainsi qu’un général, Poigne de fer, réussit l’examen. Mais le monarque a une façon bien à lui de formater ses généraux. Il lui insère dans le crâne, une boîte à musique. Celle-ci « créée spécialement sur l’ordre de sa majesté impériale, contient un mécanisme ingénieux qui remplace la faculté des humains de raisonner. » Les ordres sont les suivants : massacrer et prélever les dettes. Un village est détruit juste pour quelques roubles. La fin, assez surprenante, voit Poigne de fer voyager jusqu’à l’époque soviétique où il finit par mourir dans l’indifférence générale. Le film montre la société absurde et arbitraire du tsar dont les administrateurs sanguinaires n’avaient aucune intelligence ni humanité. C’est assez drôle quand on y réfléchit, car question massacres, l’URSS était pas mal dans son genre.


The thief (ВОР), 1934, réalisé et animé par Alexander Ivanov, Panteleimon Sazonov, agit-prop/conte satirique, dessin animé, Moskinokombinat

Ce conte satirique aux allures de cartoon se regarde plutôt bien malgré son message moraliste. Un voleur de pastèques sévit dans une plantation. On appelle le jeune pionnier Vasya et son chien à la rescousse pour enquêter. Vasya utilise un stylo-plume géant capable de matérialiser ce qu’il écrit. Le voleur était en réalité un cochon anthropomorphe, une sorte de grand méchant loup. Il a une allure de caricature capitaliste. Vasya le mettra naturellement hors d’état de nuire. Le cochon représente le parasite qui veut s’approprier le fruit du travail collectif des ouvriers.


The tale about tsar Durundai (ЦАРЬ ДУРАНДАЙ), 1934, réalisé par Ivan Ivanov, Zinaida Brumberg, Valentina Brumberg, animé par A. Nesterov, B. Pokrovsky, Alexander Beliakov, K. Malyshev, V. Lazursky, Leonid Amalrik, conte folklorique, dessin animé, Mejrabpom

C’est le premier film que je vois qui est vraiment un conte folklorique. En effet, jusque-là, c’étaient des films d’agit-prop ou des films pour enfants. Même les films qui arboraient une apparence de conte comme Le Petit Samoyède n’en étaient pas réellement. Ici, point de sous-entendu politique, du moins je pense, car je n’ai pas tout compris. Le tsar Durundai semble vouloir épouser une reine tyrannique. Elle lui impose alors une série d’épreuves impossibles à réussir afin de le décourager. Mais le tsar est capable de faire appel avec une sorte de magie à un bogatyr. Un guerrier puissant capable d’accomplir des exploits. Ainsi, sera-t-il capable de soulever une énorme massue en métal et de l’envoyer voler avec tellement de puissance qu’elle arrachera le sommet des montagnes. Une autre épreuve consistera à dresser un cheval magique capable de voler… Quand on a lu des contes russes, c’est un schéma narratif qui revient souvent. Un jeune prince ou autre qui désire enlever une princesse ou battre un méchant doit remporter plusieurs épreuves. Celle de dresser un cheval magique est quelquefois présente. On notera avec intérêt que le film tente une certaine stylisation. Les costumes sont traditionnels et les chants également.


Fialkin’s career (КАРЬЕРА ФИАЛКИНА), 1935, réalisé par Nikolai Khodataev, animé par Ye. Baranova, Lidia Reztsova, I. Zavadskaya, Ye. Dvorkina, satire/conte surréaliste, dessin animé, Moskinokombinat

Fialkin est un idiot doublé d’un homme qui ne peut rien faire sérieusement. Un jour, il trouve une mallette contenant un mandat. Une coopérative de lait demande un professeur pour augmenter le rendement de la production laitière. Fialkin se dit qu’il fera aussi bien l’affaire qu’un autre. Arrivé sur place, il n’hésite pas à inventer un énorme bobard car il n’y connaît rien. D’après lui, si la production de lait diminue, c’est à cause des… moustiques ! Il imagine alors un conte surréaliste dans lequel il se voit mener une armée en armure combattre des troupes de ces insectes. Bien sûr, personne ne le croit. Le vrai professeur arrive alors et la supercherie est déjouée. Fialkin va alors recommencer sa carrière tout en bas de l’échelle en prenant soin des vaches. Je pense qu’il y a plusieurs interprétations possibles.

Déjà, Fialkin peut être vu comme un paresseux qui ne fait aucun effort pour travailler honnêtement et tente d’arnaquer les autres ou simplement comme un idiot. Mais, ce genre de parasite ne peut pas avoir d’existence dans la société socialiste. Il est donc remis au pas. Maintenant, une interprétation un peu plus critique. N’est-il pas possible d’y voir une forme d’absurdité ? Une société où nous sommes tous égaux (égalité n’est pas équité) peut avoir des dérives. Dans certains films on encourageait un paysan à faire un travail de médecin car il faut être égal. Quelqu’un du peuple, qui plus est un non-intellectuel, peut très bien réussir à devenir médecin comme ça du jour au lendemain. Quand le discours égalitaire de haine envers les intellectuels en arrive à nier le principe de réalité… Par exemple dans le film Chtchors (1938), le personnage éponyme, un fringant chef de guerre sorti du moule stalinien, est capable de s’improviser docteur, alors qu’il est possible qu’il n’y connaisse rien. Du coup, n’est-il pas envisageable que le délire imaginé par Fialkin soit une critique de ce mode de pensée ? Que tout le monde peut faire le travail de tout le monde ? Une moquerie par l’absurde ?

Ou encore, le film n’aurait-il pas pu être taxé de formalisme ? En effet, le délire avec les moustiques est tout sauf du réalisme socialiste. Non seulement, ce n’est pas un conte dans lequel on pourrait, à la limite, tolérer une forme de merveilleux. Mais surtout, c’est une scène imaginaire qui part d’un contexte très réaliste. Possible que la divagation surréaliste ait pu être diversement appréciée. D’autant que Khodataev, qui était un des pionniers de l’animation, quittera le milieu après ce film. Il est probable qu’il ne se reconnaissait plus dans la politique actuelle. Dans ce cas-là, il n’est pas impossible de voir dans son dernier film, une réflexion sur l’art et l’inadaptation des artistes au nouveau monde stalinien. Toujours est-il que ce film et L’ orgue positif passèrent plus ou moins inaperçus malgré leur très bonne animation.


-The Dragon-fly and the Ant, 1935, réalisé par Ivan Ivanov, Zinaida Brumberg, Valentina Brumberg, animé par L. Pozhidaeva, V. Lazursky, Sh. Kamalov, V. Valerianova, Tatiana Volkova, K. Malyshev, koultourfilm/conte socialiste, dessin animé, Mejrabpom

Ce très agréable court-métrage rivalise sans problème avec les Silly Symphonies de Walt Disney. La version en couleur de 1936 est superbe. Il confirme l’une des tendances de l’animation à aller vers l’enfance. Toutefois, il conserve une forte valeur ajoutée socialiste. Ce n’est pas l’idéologie de Le Petit Samoyède. On est plus proche du discours moralisateur de Fialkin’s career ou de The thief. Le premier mettait en scène un idiot affabulateur et le second un voleur. Dans les deux cas, il s’agit finalement d’un parasite qui sabote le travail de la communauté. À chaque fois, les films n’étaient pas des attaques directes, c’était enrobé dans une histoire drôle. The Dragon-fly and the Ant va plus loin encore. Ce n’est ni plus ni moins que la morale de La Cigale et la Fourmi mais appliquée à la société soviétique. Le film est d’ailleurs adapté d’une fable de I. A. Krylov.

Les fourmis travaillent d’arrache-pied pour préparer l’hiver. Elles font preuve de rigueur et d’efficacité. L’une d’entre elles se retrouve prisonnière d’une toile d’araignée et demande de l’aide à la libellule qui préfère dormir. Elle se libère malgré tout. La libellule est comme la cigale de la fable, elle danse tout l’été. Déjà, cette attitude de vouloir profiter de la vie est condamnable, on ne profite pas de la vie en URSS. Mais en plus elle fait tourner la tête aux ouvriers, ce qui est clairement préjudiciable à l’économie. La libellule représente totalement l’antithèse du bon ouvrier, même le Soleil (Staline ?) la juge et la punit ! En Union soviétique, les astres prennent conscience de la vérité du réalisme socialiste. Le film entier est une allégorie de la société travailleuse soviétique. On voit les fourmis construire des immeubles, des maisons… Bien sûr, arrive l’hiver. La libellule n’a plus la belle vie, elle essaye de demander de l’aide à ses voisines les fourmis. À la différence de la fable de La Fontaine dans laquelle la fourmi disait à la cigale de danser, ici, les fourmis, en bonnes travailleuses, donnent une pelle à la paresseuse.

C’est une très bonne relecture de la fable. Mis à part que la morale ne s’applique pas à un cas général, mais à une société spécifique entière. Le choix de privilégier une fourmilière plutôt qu’un individu va dans le même sens. On met l’accent sur le collectif, là où la fable de La Fontaine mettait en avant l’individu. On pourra également penser au très joli (et cruel) film d’animation avec des marionnettes de Ladislas Starewitch de 1927 : La Cigale et la Fourmi.


-Le Nouveau Gulliver, 1935, réalisé par Alexandre Ptouchko, conte satirique/comédie musicale/fantastique, marionnettes/PVR, Moskinokombinat

Ce film est remarquable à plus d’un titre. Sa longueur (73 minutes) en fait le premier long-métrage d’animation soviétique existant. Il est également le premier long-métrage d’animation en volume de l’histoire. Sa création prend place dans un contexte particulier qui est celui de la mise en place du réalisme socialiste.

Il s’agit d’une adaptation de Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift. Ptouchko a choisi d’adapter le premier voyage à Lilliput. Il convient de dire que nous sommes face à une véritable réinterprétation plus qu’à une adaptation. D’emblée, ce qui saute aux yeux, ce sont les qualités du film et les moyens dont il a dû disposer. L’animation des marionnettes est extraordinaire, remarquable de fluidité. Les différents jeux mécaniques du film sont bien élaborés, les trucages encore crédibles aujourd’hui. C’est une « véritable superproduction, conçue comme une comédie musicale burlesque, qui mêle prise de vue réelles et animation de marionnettes et de personnages en plastiline. Les indications techniques accréditent l’ampleur de la production puisque plus de 1500 marionnettes articulées, parmi lesquelles on peut recenser plus d’une centaine de figurines en plastiline, et près de 20 décors, sans compter les tournages en extérieur, sont utilisés. De ce seul point de vue technique, le projet est déjà très novateur1. »

Mais qu’en est-il de l’histoire ? Pétia Gulliver est un jeune pionnier qui, au cours d’une lecture de l’œuvre de Swift, s’endort et rêve naturellement de ce nouveau monde. Il s’avère qu’il devient Gulliver. Or, quand il arrive à Lilliput, l’endroit a tout de la Russie d’avant les révolutions de 1917. Un despote autoritaire qui a l’air d’un junkie et ne parle à son peuple que par l’intermédiaire d’un disque, règne sur une population d’esclaves. On ne voit jamais le peuple à la surface, pardon, les ouvriers. Ces derniers travaillent comme des bêtes dans une usine souterraine d’armement qui a des allures de mangeuse d’hommes. Une vision proche de celle du Metropolis de Fritz Lang ou du film d’animation Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault. Gulliver, pétrit d’idéal révolutionnaire, va naturellement prendre fait et cause pour eux. Un mot sur l’apparence des ouvriers, ces derniers ressemblent aux célèbres statues soviétiques : L’Ouvrier et la Kolkhozienne créées en 1937. Ils ont cette même apparence simple, brute et humble qui accentue la victimisation. Ils sont, de plus, presque interchangeables, ce qui renforce l’idée d’une collectivité possédant un destin commun. Par opposition, les nobles sont tous très différents. Par contre, leur traitement est plus satirique : leurs visages se déforment de façon théâtrale, ils crient, vocifèrent et bougent de façon presque grotesque.

Une révolution se prépare, oh ? Vous avez dit 1917 ? Bien entendu, Pétia Gulliver s’en va les aider, ce qui ne manque pas de rappeler non plus Aelita. Commence alors la débandade des régnants. Ils courent dans tous les sens comme dans un cirque. Les capitalistes étaient représentés de façon aussi ridicule dans les films animés d’agit-prop des années 1920. D’autant qu’ils sont caricaturés comme des exploitants gaspilleurs aux banquets pantagruéliques (c’est le cas de le dire) et décadents. La satire va loin, quoi qu’on en dise. Les similitudes avec la révolution d’Octobre sont évidentes. La débandade dans le palais est égale à celle qu’on peut voir dans le Palais d’Hiver du tsar dans Les Derniers Jours de Saint-Pétersbourg (1927).

Néanmoins, selon certaines analyses, une question demeure : le film est-il un des premiers films de la mouvance réaliste socialiste ou bien « une des dernières lueurs de la grande révolution culturelle qu’a connue l’Union soviétique dans la première décennie de sa révolution2 » ?

Au premier abord, le film coche toutes les cases du réalisme socialisme : critique de l’ancien et promotion du nouveau. Pourtant, quand on y regarde de plus près, quelques subtilités peuvent instiller le doute. C’est le cas par exemple d’une scène étonnante qui n’a rien à voir avec le reste du film : « une séquence sans paroles, de plus de trente secondes d’animation abstraite, accompagnée légèrement musicalement. Ce travail graphique fait de cercles, de disques, de losanges, de flèches – bulles d’eau et diffraction de la lumière traitées géométriquement sur fond noir –, rappelle immanquablement les figures et les formes inventées par les avant-gardes artistiques soviétiques durant les années 19203. » On peut même remonter aux tableaux tout en volumes de Kasimir Malevitch des années 1910 ou évoquer les travaux de l’animateur Piotr Kamler qui se pencha lui aussi sur les formes géométriques dans ses films. « Troublant passage pour ceux qui ne voudraient voir dans le film de Ptouchko qu’une expression réaliste-socialiste4. »

Ce passage, ainsi que d’autres, rebattent effectivement les cartes sur la véritable nature du film. Si cette analyse vous intéresse, vous pouvez lire celle qu’en fait Pascal Vimenet dans l’article « Le Nouveau Gulliver : montagnes russes et fantasmagorie soviétique » qu’il consacre au film dans le recueil À l’Est de Pixar : le film d’animation russe et soviétique.

Pour ma part, je dois avouer que ce genre d’initiative de la part de Ptouchko me laisse songeur. Dans une œuvre de cette importance cela ne peut passer inaperçu. Nous ne sommes pas dans un film obscur, mais dans une grosse production. Les censeurs ont donc dû redoubler de vigilance. Soit ils n’ont rien vu, ce qui semble difficile – mais pas impossible – à croire tant certaines scènes sont quand même très subjectives, soit les autorités ont fermé les yeux… Encouragées par le fait que le film remplisse sa part du contrat – puisque la fin voit la victoire révolutionnaire – et qu’il est un film d’animation ?

Toujours est-il que le film fait preuve d’une certaine ambivalence. Le succès sera tel que Ptouchko ouvrira son propre studio (au sein de Mosfilm) d’animation en volume. En quatre ans, sortiront de ce studio une douzaine de courts-métrages en stop motion, souvent basés sur le folklore russe.


La suite la semaine prochaine 🙂

Pour en savoir plus :

-Le site sur l’animation soviétique : animator.ru
-Le site français de Kinoglaz sur le cinéma soviétique et russe


1.Pascal VIMENET, « Le Nouveau Gulliver : montagnes russes et fantasmagorie soviétique », COLLECTIF, Slovo, 2019, À l’Est de Pixar : le film d’animation russe et soviétique, numéro coordonné par Hélène Mélat, Presses de l’Inalco, p. 117.
2.Ibid., p. 119.
3.Ibid., p. 122.
4.Ibid.

9 commentaires

    • Mamaragan

      Content que le sujet intéresse des gens 🙂
      J’aurais plus de temps, la suite du dossier serait déjà publiée…
      Je compte m’intéresser ensuite à la culture pop soviétique 😉

      • Ménestrel

        L’Orgue Positif est un très beau film qui dénonce avec beaucoup d’humour les abus de pouvoir de l’aristocratie et des militaires sous le régime Tsariste.

        Dans le ton, il ressemble beaucoup au film d’animation américain A Dizzy Day produit la même année par les studios Van Beuren et basé sur un comics du dessinateur Otto Soglow nommé Sentinel Louie.

        Ce film a en effet le point commun avec l’Orgue Positif de dénoncé la brutalité des autorités et de ridiculiser les classes dominantes, et si A Dizzy Day est beaucoup moins provocateur que L’Orgue Mécanique, il n’en demeure pas moins une satire de la société américaine.

        Et la satire dernière le film devient évidente lorsque l’on sait que son réalisateur, Harry Lewis Bailey, était un syndicaliste qui a été la première personne avoir tenté de syndiquer un studio d’animation au États-Unis, mais malheureusement il sera dénoncer par un de ses collègues, George Stallings, et renvoyer du studio, ce qui est la raison pour laquelle A Dizzy Day n’a jamais eu de suite. Harry Bailey se suicidera peu de temps après (je vous recommande de lire le livre “Popeye the union man” pour plus d’informations).

        Je me permets d’ailleurs de vous demander humblement de faire une critique de A Dizzy Day car je trouve que ce film est injustement méconnu du grand public alors qu’il est très en avance sur son temps avec ses arrières plans stylisé inspiré par l’Art Déco et son accompagnement musical moderniste orchestré par Gene Rodemich.

        Je vous remercie à l’avance.

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