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Le cinéma d’animation ukrainien

KIRIK ANATOLIY (Анато́лій Пили́пович Ки́рик) 1938-?

On ne trouve pas beaucoup d’informations sur cet homme. Si sa carrière de réalisateur fut peu productive (il réalisa moins de dix films), l’atmosphère de ses œuvres est assez unique. Il est intéressant de savoir que de 1965 à 1974 il œuvra dans le cinéma live. Cela est visible dans ses films d’animation ultérieurs, aux mouvements de caméra et à l’approche plus cinématographique que ses confrères.

The kite, 1978 (БУМАЖНЫЙ ЗМЕЙ) – conte

Ce joli court-métrage narre l’histoire d’un petit chien et de sa maîtresse, une jeune fille. Un jour, elle trouve un cerf-volant et le ramène. Le chiot se met alors à rêver, il a peur que sa maîtresse ne joue plus avec lui et que sa nouvelle acquisition la lui enlève. Il va alors chercher à se débarrasser du maudit. Ce qui est frappant au premier abord, c’est la très bonne adéquation entre animation des poupées et des images réelles. Beaucoup de plans sont composites et contiennent les deux types d’images. La stop motion est chaleureuse, mignonne, mais les images réelles tranchent en apportant de l’inquiétude. Le rêve du chien est particulièrement bien mis en scène. Ce songe apporte une dimension onirique, un second niveau à l’histoire, multipliant les réalités diverses qu’apportait déjà le mélange des techniques. On se surprend dans cette atmosphère à ressentir presque une menace, un sentiment diffus inexplicable. La faute aux mouvements de caméra dynamiques et plus réalistes que dans de l’animation classique. Mais surtout grâce à une formidable gestion de la lumière et des couleurs. Certains plans évoquent quasiment le film d’horreur fantastique, la lune est formidablement bien filmée, l’éclairage bleu dans une ruelle pluvieuse évoque le polar. Il y a du thriller dans ce film, d’ailleurs la recherche du cerf-volant est une enquête en soi. Le contraste permanent entre la fragilité des marionnettes et la crudité du monde réel, la surprenante présence du chiot dans une rue la nuit, la maîtrise de la photographie, sans parler de la musique qui a des faux airs de L’Exorciste… Tout cela confère à The kite une ambiance qui transcende le cinéma d’animation.


The kitten, 1979 (КОТЕНОК) – fantastique

Cette fois-ci, l’histoire est plus simple, mais tout se joue sur l’ambiance. Si le récit est sobre, le savoir-faire de Kirik, grâce encore une fois au travail sur l’atmosphère et les éclairages, va sublimer le propos. Un garçon se réveille par une nuit enneigée, il a entendu un cri inquiétant. Il va alors partir avec une torche dans la rue sombre et hostile pour y voir plus clair. Il ne s’agit seulement que des miaulements d’un chaton perdu dans la tempête. Mais alors, pourquoi frissonne-t-on ? S’il n’y a pas vraiment d’animation, la présence de jouets à l’échelle du chaton permet encore au film de tenir une position hybride. On ne voit jamais vraiment le garçon. Je pense qu’il est filmé en rotoscopie, puisque ses contours sont réalistes. Par contre, l’intérieur de l’enveloppe reste noir et forme une présence qu’on dirait venir des limbes. C’est une ombre ni plus ni moins. Il fait penser (en moins effrayant tout de même) aux Nazgûls du film Le Seigneur des anneaux (1978) de Ralph Bakshi. Du coup, ce choix provoque un rapport particulier à l’enfant. De même pour le chat qui projette jusqu’à la fin une ombre (animée ?) plus grande que lui. En jouant avec les éléments (la neige), les bruitages inquiétants (le vent, des bruits grinçants), la musique et la lumière, Kirik confère à cette partie de cache-cache une aura particulière. Une prouesse pour un film de seulement 5 minutes.


Flamand boy, 1981 (ФЛАМАНДСКИЙ МАЛЬЧИК) – conte/drame

Chef-d’œuvre ! Résolument romantique et tragique, cette histoire est magistralement filmée. Un jeune Flamand, peintre et artiste, tombe amoureux d’une fille aisée. Son seul réconfort est d’être auprès d’elle. Seulement, un jour, on la lui enlève sous prétexte qu’ils ne sont pas du même monde. Le pauvre garçon se retrouve alors à errer. Le court-métrage alterne entre la stop motion et une forme de peinture animée. La maestria de la mise en scène est impressionnante, même quand on est habitué à regarder de l’animation en volume. Les marionnettes sont réalistes, même expressives, ce qui est plutôt rare en Europe de l’Est puisque ce n’est pas la priorité. Elles me font penser au travail du marionnettiste letton Arnold Burovs. La gestion de l’éclairage est à couper le souffle, il faut voir la lumière de la ville au sortir de la nuit. D’ailleurs, les effets lumineux nocturnes rappellent le travail d’Alexandre Petrov sur son film d’animation réalisé avec de la peinture à l’huile sur verre : Le Vieil Homme et la Mer. Chaque plan est soigneusement confectionné. L’atmosphère est un hommage à la peinture flamande. La musique, l’animation, la poésie, la neige, tout est wow ! Amis en quête de beauté pure, vous devez voir ce film. Voici le lien pour admirer cette merveille.


Dear crane, 1982 (ЖУРАВУШКА) – conte/drame ♥

Que dire ? C’est toujours magnifique. Un ton de plus en plus triste et émouvant, mais dieu que c’est sensible ! Le film met en scène une jeune grue comme dans The young crane d’Irina Gurvich. Toutefois, si l’histoire de Gurvich était réaliste, elle était tendre et se terminait bien. Ici, l’oiseau n’arrive pas à s’envoler avec ses congénères. Il est adopté par un jeune garçon qui en prend soin. Mais… la nature et surtout l’homme sont cruels. Le destin ne sera pas tendre avec la pauvre grue. La mise en scène, toujours sensible dès qu’il s’agit de stop motion, est riche de subtilités. C’est filmé avec une grande humanité. On retrouve encore une fois un très joli songe. Le mélange de stop motion et de dessins animés fait merveille. Si l’atmosphère est moins inquiétante que dans The kite et The kitten, elle est en revanche saturée de tristesse.


How the first letter was written, 1984 (КАК БЫЛО НАПИСАНО ПЕРВОЕ ПИСЬМО) – conte

C’est bizarre, l’atmosphère n’est pas inquiétante, le film ne se termine pas mal… À la vérité, il est même plutôt léger. Il s’agit d’un conte adapté d’un écrit de Rudyard Kipling. Au sein d’une tribu, un père et son fils partent à la chasse. Malheureusement, le papa n’est pas très doué. Le petit a alors l’idée d’écrire une « lettre » à base de dessins sur de l’écorce de bouleau, afin que son paternel rentre pour en informer les villageois pendant que son enfant reste sur place. J’admets que je ne suis pas sûr d’avoir tout compris. Toujours est-il que le contenu de la lettre est mal interprété. Sans l’intervention du fils revenu après son père, ce dernier aurait passé un sale quart d’heure. Ce qui frappe, c’est de faire évoluer des marionnettes dans des décors peints fixes. Ce qui frappe encore plus, c’est le choix du bleu et d’un style de peinture tout en finesse onirique. On ne croit pas en cette nature, on la dirait sortie d’un rêve, elle évoque, toute proportion gardée, l’ambiance d’Avatar ou des films d’animation de René Laloux avec leurs tons bleus reconnaissables, leur atmosphère et leur nature si étrange. On pensera à Gandahar par exemple. L’autre idée à relever est la rédaction de la lettre sur de l’écorce de bouleau. Cet arbre, très présent dans les pays slaves car il résiste bien au froid, occupe une place centrale dans la culture locale. Le bouleau est un arbre sacré pour les populations sibériennes ainsi qu’en Asie centrale. Il est toujours un symbole national en Russie. Du fait de son écorce blanche, il pouvait aussi servir de support d’écriture comme les parchemins.


The golden nail, 1986 (ЗОЛОТОЙ ГВОЗДЬ) – conte

Parfois, juste raconter un parcours de vie traditionnel se prête bien à l’animation. Un jeune orphelin est un jour pris sous son aile par un forgeron. Il lui enseigne qu’il trouvera le bonheur quand il forgera le clou d’or. Ce dernier, une fois modelé, sera fixé sur la première fondation de sa maison. Il finira de la construire, obtiendra ensuite un cheval, labourera des champs avec son village et se mariera. En somme, le film prend sa source dans un mode de vie traditionnel de la campagne. Le clou symbolise le début de son parcours de vie qu’il a forgé par ses efforts. Cela me fait également penser à la fable de La Fontaine : Le Laboureur et ses enfants. L’animation en stop motion est mignonne. La mise en scène est moins recherchée que les précédents films, on sent une légèreté plus présente.

Table des matières

1.Préambule
2.Le début du voyage
3.Cherkassky David (Черкасский Давид Янович), 1932-2018
4.Dakhno Vladimir (Дахно Владимир Авксентиевич), 1932-2006
5.Goncharov Vladimir (Гончаров Владимир Максимович), 1940-2022
6.Gurvich Irina (Гурвич Ирина Борисовна), 1911-1995
7.Kirik Anatoliy (Анато́лій Пили́пович Ки́рик) 1938-?
8.Kostyleva Valentina (Костылева Валентина Андреевна), 1946-?
9.Orshansky Caesar (Оршанский Цезарь Абрамович) 1927-2016
10.Pavlenko Tadeush (Павленко Тадеуш Андреевич) 1934-2004
11.Pruzhansky Ephrem (Пружанский Ефрем Аврамович) 1930-1995
12.Sivokon Yevgeny (Сивоконь Евгений Яковлевич) 1937-?
13.Vassilenko Nina (Василенко Нина Константиновна) 1906-1999
14.Viken Alexander (Викен Александр Владимирович) 1947-?
15.Zarubin Leonid (Зарубин Леонид Семенович) 1926-2003
16.Conclusion

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